Le mot du Maître de Chapelle

Bien chers choristes,

Vous trouverez joint à cette lettre l’enregistrement du Hassler qui a été pris jeudi dernier à la répétition. Le son est capté d’un téléphone portable et derrière le chœur. Mieux vaut écouter avec casque pour avoir un meilleur rendu. Mais je vous avoue que c’est plutôt pas mal compte tenu de l’enregistrement. Bien enlevé, assez homogène. Bref, très prometteur. Cependant, on ressent une certaine crispation! Ce qui est normal : la partition est difficile et nouvelle de cette année. Et pour les sopranos, c’est assez tendu puisque toujours sur le fa aigu.

Cet enregistrement manifeste finalement que chanter, c’est plaisant mais difficile. En effet, il faut tenir compte de plusieurs données lorsque l’on exécute une partition.

Tout d’abord il y a un réel travail physique. La tenue du corps, la souplesse au niveau des cervicales et des épaules, la bonification des muscles abdominaux sans compter les efforts des masséters. Tout cela il faut sans cesse le prendre en compte pour ne pas donner un son mou, mal maîtriser et sans beauté.

A cette donnée physique, il faut rajouter la part psychologique inhérente au chant. Car il ne s’agit pas que d’un exercice du corps ou même une perfection du son qu’il faudrait atteindre. Parce que l’homme est rationnel, tout ce qu’il fait porte la marque ou l’empreinte de la raison. Ainsi pour le chant d’Eglise, l’aspect rationnel se trouve dans les paroles qui sont chantées. D’abord prononcées, mais ensuite chantées : ce sont les paroles qui supportent le chant, c’est pour elles que la mélodie est faite et elle s’ordonne vraiment à l’intelligence que sous-tendent les paroles. C’est en ce sens que l’on peut dire qu’on chante plus que de la musique : on chante un texte.

C’est sur ce texte qu’à l’Eglise, il nous faut ajouter la part spirituelle que nous devons prendre. Permettez-moi de vous féliciter sur ce point car ce sont des éloges que l’on me fait souvent du chœur et que je partage volontiers. La prière de l’âme soutient le texte et par là le chant. C’est donc une attitude surnaturelle qui met le souffle et la vie aux compositions que nous interprétons, et ce n’est pas une petite chose. Et ce n’est pas une mince affaire ; au contraire, il y a une vraie charge et une certaine noblesse à prier notre chant : n’est-ce pas ce que l’Eglise fait faire elle-même au prêtre à l’autel même pendant le canon pour la Préface et le Pater ? C’est aussi par le chant que l’Eglise nous fait prier en commun lorsque nous récitons notre office au chœur ou que nous chantons les vêpres le dimanche après-midi.

Mais ce n’est pas tout. Le chant a une dimension essentiellement politique. Politique au sens où de plusieurs nous réalisons une unité. En effet, nous chantons à plusieurs voix, mais nous chantons une pièce. Là encore se trouve une vraie difficulté car cela suppose que nous nous écoutions, que nous apprenions à toujours chanter ensemble. Cela demande aussi l’abnégation de nous supporter parfois les uns les autres. C’est cette dimension qui nous oblige aussi à ne pas chanter uniquement notre voix, mais à faire en sorte que notre voix se fonde dans le tout et l’unité du chant. Là se trouve la beauté musicale : nous coordonner et avoir un agir commun.

Voilà chers choristes ce que nous faisons chaque semaine. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit qu’il s’agit là d’une véritable école de vie personnelle, sociale et religieuse! C’est formidable, mais je comprends aussi que ce soit un sacrifice ou parfois source de difficulté. Courage !

Finalement, s’il fallait résumer d’un mot toutes ces caractéristiques, je vous dirais gardez toujours la joie de chanter. Nous le savons, la joie assouplit et détend le corps, elle nous fait pénétrer la compréhension des textes et de la musique qui s’y ordonne, elle nous aide et nous apprend à nous côtoyer, enfin, elle est un fruit de la charité et permet de goûter les réalités divines que Dieu nous dispense dans la mesure de notre générosité. Ayez la joie de chanter ensemble, comme cette complicité de nous compléter et « fabriquer » ensemble cette prière que nous offrons à Dieu et aux fidèles. Il est vrai que l’idéal serait de chanter par cœur. Mais ce n’est pas évident : chaque dimanche, les pièces sont différentes! Mais le par cœur dit bien la chose, car c’est le cœur qui pénètre et goûte l’art.

Jeudi prochain, nous commencerons par le O sacrum de Pergolèse. La deuxième partie est une peu plus halante, et peut-être difficile pour ceux qui ne l’auraient jamais vue. Ensuite nous travaillerons le Beatus. Vincent Rigot ne peut pas venir, mais l’organiste de dimanche dernier, Philippe Ourselin, professionnel de son métier et cherchant plutôt à exercer dans les paroisses traditionnelles, a accepté de venir. Ce sera mieux d’avoir l’orgue pour les enchaînements. Nous terminerons par l’Exultate.

Il me faut achever en réparant l’ignorance avec laquelle j’ai été incapable de satisfaire votre juste demande jeudi dernier. Tabescet est le futur du verbe tabesco qui signifie littéralement se liquéfier, fondre et par là dépérir ou se consumer. Je vous joins juste après une traduction assez littérale du Beatus, ce qui vous permettra d’y mettre toute votre conviction en le chantant !

Soyez bien vivement remerciés de votre générosité, de votre joie et de votre bonne humeur au chœur, et ce malgré toutes les difficultés qui ont pu être rencontrées particulièrement ces dernières semaines avec les troubles sociaux que nous avons connus. Que le Bon Dieu vous le rende au centuple dès ici-bas !

Gabriel Billecocq+

Beatus vir qui timet Dominum :
In mandatis ejus volet nimis.

Bien heureux l’homme qui craint le Seigneur
il met ses délices dans ses commandements.

Potens in terra erit semen ejus :
Generatio rectorum benedicetur.

Sa descendance sera puissante sur la terre,
La lignée des hommes justes sera bénie.

Gloria et divitiæ in domo ejus :
Et justitia ejus manet in sæculum sæculi.

Gloire et richesse seront dans sa maison
et sa justice demeure à jamais.

Exortum est in tenebris lumen rectis :
misericors et miserator et justus.

Une lumière s’est levée dans les ténèbres pour les hommes droits
Il est miséricordieux, compatissant et juste.

Jucundus homo qui miseretur et commodat,
Disponet sermones suos in judicio :
Quia in æternum non commovébitur.

Heureux l’homme qui compatit et qui prête,
qui prononce ses paroles avec discernement
car il ne sera jamais ébranlé.

In memoria æterna erit justus :
Ab auditione mala non timebit.

La mémoire du juste sera éternelle,
il ne craindra pas l’annonce du malheur.

Paratum cor ejus sperare in Domino,
Confirmatum est cor ejus :
Non commovebitur donec despiciat inimicos suos.

Son cœur est disposé à espérer dans le Seigneur,
il est affermi, il ne sera pas ébranlé
jusqu’à ce qu’il voie avec mépris ses ennemis.

Dispersit, dedit pauperibus :
Justitia ejus manet in sæculum sæculi :
Cornu ejus exaltabitur in gloria.

Il est prodigue et donne aux pauvres
Sa justice demeure pour l’éternité.
Sa puissance sera exaltée dans la gloire.

Peccator videbit et irascetur,
Dentibus suis fremet, et tabescet :
Desiderium peccatorum peribit.

Le pécheur le verra et s’irritera,
il grincera des dents et se consumera de dépit,
le désir des pécheurs périra.

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